Appel à une approche holistique et intégrée de la fragilité cutanée

Notre peau est l’interface entre nous et notre environnement – une barrière flexible destinée à offrir protection, immunité, régulation et sensation. La peau est reliée à l’endosquelette fascial par des ligaments réticulaires, des vaisseaux sanguins, des nerfs et des vaisseaux lymphatiques (1). Autrefois considérée comme inerte, nous savons aujourd’hui que la peau est un environnement dynamique. Elle remplit des fonctions biologiques (régulation de la chaleur, protection contre les rayons UV, régulation hormonale, etc.) et des fonctions dynamiques (absorption de la pression, étirement, déplacement, compression, etc.). Elle fournit des informations en direct sur la physiologie systémique de l’organisme par le biais de signes physiques (rougeurs, transpiration, pâleur, etc.). En d’autres termes, la peau peut nous informer, notamment, de la présence de maladies.

Le terme «frailty» (vulnérabilité, fragilité) a été introduit à la fin des années 1970 pour définir les individus (souvent – mais pas exclusivement – les personnes âgées) ayant un besoin particulier de soins. La fragilité est un stade préliminaire à de graves problèmes de santé (2). Dans ce commentaire, nous appliquons le concept de fragilité à la peau (3).

Une peau vulnérable/fragile se manifeste par une texture irrégulière, une atrophie, une diminution de la turgescence et une perte de la résistance à l’étirement en raison d’une hydratation insuffisante de la peau, d’une irrigation insuffisante, d’une desquamation réduite, d’une perte de collagène ou d’élastine, d’une inflammation et de cicatrices. En conséquence, la peau est fine ou transparente, rugueuse, squameuse, crêpée et pigmentée. Une identification précoce et une intervention rapide en cas de fragilité cutanée peuvent contribuer à prévenir les lésions cutanées, ce qui est largement accepté comme un indicateur de la qualité des soins et de la sécurité des patients (1).

En cas de fragilité accrue de la peau, nous observons des anomalies cutanées et constatons une augmentation du risque de formation de lésions. Les affections courantes sont les escarres, les déchirures cutanées, la dermatite associée à l’incontinence, les ulcères veineux, le pied diabétique et l’intertrigo (3). Il va sans dire que ces affections ont un impact sur la qualité de vie (4).

Une bonne approche des peaux fragiles commence par une observation minutieuse. Une peau sèche a besoin d’être hydratée; en cas de peau humide, la barrière cutanée doit être protégée. Il est important de nettoyer la peau quotidiennement, en faisant attention aux plis de la peau. Les savons traditionnels irritent la peau et il est recommandé d’utiliser des produits respectueux de la peau (pH neutre) tels que des nettoyants non parfumés (gel, crème ou huile) ou des gants de toilette jetables non parfumés (4). Pour éviter le risque d’infections cutanées (comme les champignons), la peau doit toujours être soigneusement séchée (en particulier entre les orteils et les plis). Lors du séchage, il est préférable de tamponner plutôt que de frictionner la peau. L’hydratation (lotions, pommades, crèmes) renforce la barrière cutanée. Dans de nombreux cas, les soins de la peau sont des soins de routine. Mais en cas de fragilité accrue, une approche holistique, intégrée et interprofessionnelle s’impose (3, 4).

La recherche montre que les lésions et les problèmes cutanés sont associés à la fragilité de la peau et présentent des facteurs de risque communs. Par exemple, une peau fragilisée par l’humidité est associée à un risque accru d’infections fongiques (intertrigo), et nous connaissons l’effet synergique des déchirures cutanées sur les points de pression dans la formation des escarres. Nous invitons donc les prestataires de soins à adopter une approche holistique et intégrée des peaux fragiles. Les facteurs de risque (adiposité, transpiration excessive, incontinence, manque d’hygiène, immobilité, état nutritionnel, etc.) et les thérapies doivent être envisagés dans le contexte général de la fragilité de la peau (4).

 

  • Skin Integrity Research Group (Université de Gand, Belgique) et Swedish Centre for Skin and Wound Research (Université d’Örebro, Suède)

    1. Woo K, Mueller W, Etemad A. Dermoscopic Evaluation of Skin Frailty. Journal of Wound, Ostomy and Continence Nursing 2019;46(6):547-9.
    2. Rockwood K, Mitnitski A. How might deficit accumulation give rise to frailty. The Journal of Frailty & Aging 2012;1(1):8-12.
    3. Langemo D, Campbell KE, Holloway S, LeBlanc K, Tariq G, Beeckman D. Applying Frailty Syndrome to the Skin: A Review and Guide for Prevention and Management. Advances in Skin & Wound Care 2021;34(8):444-7.
    4. Beeckman D et al. Best practice recommendations for holistic strategies to promote and maintain skin integrity. Wounds International 2020. Available online at www.woundsinternational.com.

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