Une lésion érosive là où le soleil ne brille jamais

Figure 1: Lésion érosive sur la verge.

Un trentenaire homosexuel, engagé dans une relation monogame, se présente en consultation. Depuis trois mois environ, il a une lésion érosive asymptomatique sur la verge. Le généraliste a déjà fait réaliser deux sérologies syphilitiques à trois semaines d’intervalle, les résultats s’étant révélés négatifs dans les deux cas. Le patient n’a pas d’antécédents particuliers; plus spécifiquement, il n’a jamais pratiqué le banc solaire ni le nudisme.

La lésion est de forme circulaire, aux berges cratériformes et au centre légèrement érosif. Le patient est examiné de la tête au pied, à la recherche d’autres lésions, mais aucune autre anomalie dermatologique n’est observée (Figure 1).

Une biopsie est pratiquée et une troisième sérologie syphilitique est demandée. Rapport anatomopathologique du Dr Sumara Ahmad (Labo Medina): nous voyons l’épiderme et le derme. L’épiderme présente une acanthose limitée et est couvert d’une couche cornée orthokératosique avec foyers de parakératose. Localement, nous trouvons une invagination épidermique surplombée d’une lamelle cornoïde. Sous la lamelle cornoïde, nous trouvons une agranulose et quelques kératinocytes nécrotiques. Dans le derme supérieur, nous trouvons plutôt de discrets infiltrats lymphohistiocytaires. Les anomalies histologiques cadrent avec une porokératose génitale (Figure 2). Aucun stigmate d’infection virale n’est observé. Il n’y a pas d’arguments en faveur d’une infection bactérienne ou d’une spirochétose. Ce cas a fait l’objet d’une concertation collégiale (CMA Antwerpen).

Examen immunohistochimique: le marquage par le Ki-67 ne révèle aucune extension du compartiment prolifératif. L’examen immunohistochimique ne met pas de spirochètes au jour (mais présente malgré tout une légère coloration aspécifique). Les colorations sont négatives pour les mycoses.

Figure 2: Le tableau histologique cadre avec une porokératose.

La porokératose de Mibelli est une anomalie rare de la kératinisation, caractérisée par des papules cratériformes au centre atrophique et aux bords rainurés. Elle touche essentiellement les parties distales des membres, surtout les mains, les pieds, le cou et les épaules. Dans de très rares cas, les lésions peuvent apparaître sur le visage ou les organes génitaux, ces formes cliniques ayant néanmoins déjà été décrites par Mibelli en 1893 (1). Les lésions sur les organes génitaux peuvent se présenter au niveau du scrotum, de la verge et du gland. Les lésions ne sont que rarement ulcératives (2).

Le diagnostic différentiel comprend le psoriasis, la maladie de Bowen, le granulome annulaire et le lichen plan. Une biopsie est donc souvent indiquée. L’histologie du bord de la lésion révèle les caractéristiques lamelles cornoïdes.

La variante génitale étant peu fréquente, les études ne sont pas légion. Le 5-FU fait partie des traitements signalés efficaces (3). Dans le cas présent, le patient a été traité par deux séances de cryothérapie. Une légère cicatrice inflammatoire persistait après la première séance (Figure 3). Mais elle devrait guérir complètement. Une visite de suivi est planifiée dans les six mois.

Figure 3: Il persiste une légère cicatrice inflammatoire après la cryothérapie.

    1. Mibelli V, Contribuzione allo studio della ipercheratosi dei canali sudoriferi (porokeratosi). G Ital Mal Venereol 1893;28:313-55.
    2. Watanabe T, Murakami T, Okochi H et al, Ulcerative porokeratosis, Dermatology 1998;196(2):256-9.
    3. Porter WM, Du P. Menage H, Philip G et al Porokeratosis of the penis, Br J Dermatol 2001;144:643-4.

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